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« Le maître d’escrime » : un hommage au courage d’un escrimeur estonien face au régime stalinien
Par Aïna Adlerberg-Douady | Cinéma
Le réalisateur finlandais Klaus Härö a mis en scène dans le film un sujet inhabituel en retraçant le parcours héroïque et éprouvant de l’escrimeur estonien Endel Nelis recherché par la police politique. Klaus Häro n’en est pas à son premier succès. Réalisateur confirmé, il reçoit en 2003 des mains d’Ingmar Bergman en personne le prix Ingmar Bergman. De plus, sur ses cinq longs-métrages, quatre ont été choisis pour représenter la Finlande pour le meilleur film étranger aux Oscars. Issu de la minorité suédoise de Finlande, il explore dans la plupart de ses films les rapports identitaires entre ces deux peuples. À première vue, Le maître d’escrime se détache de son thème de prédilection : il s’agit en effet d’un biopic librement inspiré de la vie d’Endel Nelis. Néanmoins, il est important de rappeler que l’histoire se passe au début des années 1950, un peu plus de cinq ans après la Seconde Guerre mondiale. L’Estonie se relève difficilement de la guerre et la majorité des enfants de la petite ville de Haapsalu, cadre du film, ont perdu leur père. Lorsqu’arrive le nouveau professeur de sport, les écoliers l’identifient très rapidement comme un père de substitution. Ainsi, on retrouve ici l’un des thèmes favoris de Härö : le lien parental symbolique et la filiation, déjà présent dans Une autre mère(2005).
« Le maître d’escrime » : un hommage au courage d’un escrimeur estonien face au régime stalinien
Par Aïna Adlerberg-Douady | Cinéma
Le réalisateur finlandais Klaus Härö a mis en scène dans le film un sujet inhabituel en retraçant le parcours héroïque et éprouvant de l’escrimeur estonien Endel Nelis recherché par la police politique. Klaus Häro n’en est pas à son premier succès. Réalisateur confirmé, il reçoit en 2003 des mains d’Ingmar Bergman en personne le prix Ingmar Bergman. De plus, sur ses cinq longs-métrages, quatre ont été choisis pour représenter la Finlande pour le meilleur film étranger aux Oscars. Issu de la minorité suédoise de Finlande, il explore dans la plupart de ses films les rapports identitaires entre ces deux peuples. À première vue, Le maître d’escrime se détache de son thème de prédilection : il s’agit en effet d’un biopic librement inspiré de la vie d’Endel Nelis. Néanmoins, il est important de rappeler que l’histoire se passe au début des années 1950, un peu plus de cinq ans après la Seconde Guerre mondiale. L’Estonie se relève difficilement de la guerre et la majorité des enfants de la petite ville de Haapsalu, cadre du film, ont perdu leur père. Lorsqu’arrive le nouveau professeur de sport, les écoliers l’identifient très rapidement comme un père de substitution. Ainsi, on retrouve ici l’un des thèmes favoris de Härö : le lien parental symbolique et la filiation, déjà présent dans Une autre mère(2005).
Invité- Invité
Re: CINEMA
Ancien champion sportif dans la discipline du fleuret, le jeune Endel Nelis, enrôlé de force dans l’armée nazie, puis déclaré ennemi du peuple, est obligé de vivre sous une fausse identité, loin de Leningrad. Il se réfugie dans une petite ville estonienne, Haapsalu et se fait engager dans une école pour enseigner le sport. Au début, Nelis a du mal à s’adapter à sa nouvelle situation : peu de choses se passent dans la ville, il est envahi par une solitude croissante. Face aux enfants, il peine à établir un contact chaleureux et se montre sévère envers eux. Ce tempérament froid est interprété à la perfection par Märt Avandi. Cependant, au fur et à mesure que l’histoire avance, l’escrimeur fermé par méfiance – attitude compréhensible en raison de son passé – s’adoucit. Parmi les enfants, Marta joue un rôle important dans la dynamique de l’intrigue. C’est elle qui pousse Endel, réticent à enseigner un sport jugé contre-révolutionnaire et féodal par le directeur de l’école, à partager sa passion en créant un club d’escrime. Le film évolue dans un contexte de tension où Endel est constamment aux aguets. Les séquences sont scandées par des moments d’inquiétude où l’on a peur que le personnage se fasse définitivement arrêter, voire tuer. La petite médaille qu’Endel offre à Marta symbolise l’ouverture de son cœur aux enfants. Il demeure néanmoins très sévère et ne tient pas compte de leur sensibilité. Le jeune Jaan, tout comme Marta, enrichit le scénario. En effet, timide, il tente tant bien que mal d’attirer l’attention de son professeur, sans succès. Il remet en cause le talent prétendu de l’escrimeur, car on n’envoyait habituellement dans les petites villes que des sportifs de niveau médiocre. Cette déclaration est un véritable élément déclencheur pour Endel. Il décide de prendre complètement en charge l’entraînement des enfants jusqu’à braver l’interdiction du directeur. Son amie Kadri et son ancien coéquipier Alexey, le soutiennent malgré les risques. De Leningrad, Alexey lui fait livrer l’équipement nécessaire.
Invité- Invité
Re: CINEMA
Fait intéressant : au début du film, Härö présente Endel de dos et le montre souvent de cette manière par la suite. Cet angle de vue évoque l’idée d’une fuite en avant, suggère le caractère à contre-courant du personnage face au régime stalinien, et contribue même à accentuer la tension dans la scène des retrouvailles d’Endel et d’Alexey en pleine nuit.
Trois scènes sont particulièrement importantes. La première est la réunion des parents d’élèves. Croyant que les séances d’escrime n’étaient que temporaires, la direction souhaite les interrompre. Le grand-père de Jaan, intellectuel, qui avait offert à son petit-fils un équipement d’escrime, propose un vote en rappelant que Marx a pratiqué aussi cette discipline. Terrifiés, les parents n’osent pas lever la main, mais grâce au courage du vieil intellectuel, petit à petit « l’union fait la force » et toute la salle vote pour le maintien du club d’escrime. Par la suite, le directeur outré lance une recherche poussée sur le passé du nouvel arrivant.
La deuxième scène est l’arrestation du grand-père de Jaan par la police politique, la musique accentue l’émotion au moment où la caméra fait un gros plan sur le regard de Jaan broyé par la souffrance.
En ce qui concerne la troisième scène, il faut d’abord expliquer que l’intrigue du film tourne autour de la notion de père spirituel. Bien qu’il ne soit pas le père biologique, Endel développe finalement un comportement paternel apportant de la force aux enfants. Certes, le film est un biopic, mais la véracité des faits ne prime pas ici. Ce qui compte c’est le message transmis : le sport est un enjeu politique. Lors d’un tournoi d’escrime à Léningrad, l’équipe de Haapsalu formée par Endel, Marta, Jaan et trois autres enfants, arrive en finale. Endel se retrouvre face à un dilemme : être arrêté par le KGB ou continuer à encourager ses élèves en restant près d’eux. Kadri l’avait prévenu de ne pas retourner à Leningrad, car cela était trop de risqué et sa disparition serait trop douloureuse pour les enfants, qui le considéraient comme un véritable père. Mais fatigué de fuir, Endel reste pour soutenir les enfants jusqu’au bout. Il rappelle à la petite Marta le principe fondamental de l’escrime qui est de garder la distance. La victoire inattendue de Marta face au colosse moscovite, filmée au ralenti pour entretenir le suspens, déclenche la joie du spectateur. Est-ce là un autre message ? Une évocation de l’esprit de résistance du peuple estonien, et de sa capacité à travailler jusqu’à accomplir des miracles ?
Le véritable Endel Nelis a réellement créé à Haapasalu une école d’escrime, « En garde », qui a formé les meilleurs escrimeurs d’URSS, dont Ivi Pupus et Kaido Kuur. À la fois biopic, témoignage sur l’histoire du sport et manifeste politique pour la liberté, ce film est tout simplement un petit bijou du septième art.
Invité- Invité
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